Ma fille est née 2 mois avant terme et moi qui tenait vraiment à allaiter, ça devient maintenant vital de le faire, pour elle et pour moi, j’ai besoin de maintenir un lien charnel avec elle, j’ai besoin de me sentir unique (elle est entourée de tellement de femmes dans l’unité de néo-nat que j’ai peur qu’elle ne fasse pas la différence entre toutes les autres et moi).
Ma fille est née à 3h23 du matin, et après avoir demandé de nombreuses fois à l’équipe médicale, j’ai réussi à obtenir un tire-lait… dans la soirée ! Voilà donc comment va devoir se mettre en place mon allaitement, par un tête-à-tête entre une maman prématurée et une machine bizarre. Je suis un peu intimidée et maladroite, et le tire-lait est très ancien (c’est à moi de provoquer les mouvements de succion en bouchant un tuyau doucement et on relâchant la pression). Personne ne m’explique comment faire, je me retrouve à boucher le tuyau totalement, la pulpe de mon doigt est complètement aspirée par le tuyau, pareil pour mon sein, ça commence bien…
J’ai de la chance, dès mon premier tirage, j’arrive à exprimer 15ml et une sage-femme me dit que c’est très bien !
A partir de là, une routine s’installe, je tire mon lait toutes les 2/3h dans la journée, je l’apporte à la néonat, mon lait est analysé, pasteurisé, congelé, puis donné à ma fille par une sonde gastrique… on est bien loin du rapport privilégié, des moments câlins de l’allaitement mais le plus important pour l’instant est que cet or blanc la rend plus forte, c’est tout ce qui compte.
D’après la pédiatre, il va falloir attendre encore 2 semaines avant de faire une première tentative de mise au sein. D’ici là, je vais continuer à tirer mon lait et j’espère avoir à le faire de moins en moins quand elle pourra téter directement.
Le tire-lait me fait un mal de chien, celui commandé à la pharmacie mettra 3 jours à venir, je me badigeonne de crème et serre les dents en attendant.
Le 2e sera bien plus adapté, bien que simple pompage donc je perds quand même un temps fou, mais au moins je ne ressens plus de douleur.
C’est difficile de trouver un équilibre entre les câlins fait à ma fille et le tirage, je suis très souvent obligée de l’abandonner pendant un peau à peau pour aller tirer mon lait dans ma chambre, je suis sans cesse obligée de choisir entre les moments d’affection directs et le lait, qui est lui aussi une preuve d’amour mais moins manifeste.
Au bout d’une dizaine de jours, on me propose de donner un petit biberon à ma fille, jusque-là elle ne prenait ses repas que par sonde gastrique donc c’est une grande avancée ! J’avais demandé auparavant s’il était possible de lui donner autrement qu’au biberon mais on m’a répondu que non, que ça faisait perdre trop de temps et que de toute façon ça ne changeait rien. J’ai décidé de leur faire confiance, de toute façon il en allait de ma santé mentale, je leur confiais ma fille, la chose la plus importante à mes yeux, il fallait que je leur accorde ma confiance.
J’ai donc pu lui donner son premier biberon de mon lait, elle a bu 3ml comme une championne et à partir de là, tous les jours elle a eu un petit biberon, en augmentant les quantités de lait au fur et à mesure.
Ça y est, 2 semaines se sont écoulées, je peux enfin la mettre au sein. Je suis un peu intimidée, ça me fait bizarre de le faire maintenant, une tétée de bienvenue à 15 jours de vie, ça ne me paraît pas très courant !
Une puéricultrice est là pour m’aider, tout se passe bien, même si la petite ne tète pas vraiment, ce qui est normal pour son terme, c’est tout de même un joli moment.
Tous les jours on fait une tentative de mise au sein, avec pesée du bébé avant et après pour vérifier si elle a bu, une puéricultrice reste avec moi, me donnant des conseils. Ça aurait été très bien si les conseils étaient cohérents, malheureusement, chaque puéricultrice a sa propre vision des choses et j’entends tout et son contraire. Et puis pendant ce temps, ma fille ne tète toujours pas. Les jours, les semaines passent et rien n’y fait, elle ne prend pas le sein. Au fur et à mesure, on acquiert toutes les deux plus d’autonomie dans le service, je la mets seule au sein, mais j’ai peur de trop la fatiguer, ça lui demande beaucoup d’énergie de téter (ou du moins d’essayer !). Je suis toujours tiraillée entre l’envie de la faire téter et celle de la laisser se reposer pour bien grossir. Chaque pesée après tétée est une déception, la balance ne bouge pas…
On continue de me donner des conseils contradictoires et je décide de ne plus écouter personne, d’essayer de faire comme bon me semble. Et puis j’ai espoir qu’à son retour à la maison, tout aille mieux. Je pense que dans l’intimité, avec de la patience, on y arrivera.
Sauf que tout n’est pas si simple, son papa est très très pris par son travail et n’a pas la possibilité de se libérer donc on est très souvent seules toutes les deux, je suis fatiguée par toutes ces épreuves, j’ai de moins en moins d’énergie, et j’ai peur qu’elle ne grossisse pas donc je lui donne souvent le biberon, même si je tente de lui donner le sein aussi souvent que possible, mais elle hurle et me repousse.
Je continue de tirer mon lait toutes les 2h, avec cette fois-ci un tire-lait double pompage, et ce pendant 3 mois entiers, mais l’épuisement et le manque de stimulation font que j’ai de moins en moins de lait, donc je me vois obligée de compléter avec du lait artificiel.
Je fais appel à la puéricultrice de la pmi, lui demandant de venir à domicile pour m’aider. Quand elle voit ma fille, elle me dit « mais vous n’avez pas honte de vous acharner comme ça sur elle ? vous ne vous rendez pas compte du traumatisme qu’elle a subi à la naissance ? et puis elle est bien trop petite et fragile pour téter, laisser là donc tranquille ! »
J’appelle la Leche League, on me donne des conseils mais qui ne m’aident pas vraiment, je cherche une consultante en lactation mais il n’y en a pas dans mon secteur…
Je prends rendez-vous avec une sage-femme libérale qui me sera d'un grand secours, dans son cabinet, en suivant ses conseils, ma fille arrive à téter! Mais une fois arrivée à la maison, je déchante, elle n'y arrive plus. Je contacte la sage-femme par mail pour savoir si exceptionnellement elle pouvait se déplacer et venir m'aider à domicile, malheureseument je n'ai jamais reçu de réponse...
Je continue pourtant de m’ « acharner », je suis persuadée que c’est le mieux pour ma fille, et puis je prends ça comme un défi, j’ai « raté » ma grossesse, il faut à tout prix que je me rachète avec l’allaitement ! j’y mets tout mon corps, mes tripes, ma santé, j’attrape une candidose, quand je mets ma fille au sein, je hurle de douleur, mais je tiens bon.
Finalement un jour, je décide de laisser tomber le tire-lait, surtout qu’il me vole encore beaucoup de moments avec ma fille, elle a besoin que je la prenne dans les bras mais je suis obligée de rester loin d’elle pour tirer mon lait et je ne le supporte plus. A partir de là, je vais tenter uniquement de lui donner le sein directement et tout le reste sera du lait artificiel. On va commencer alors ce que j’appelle les tétées-apéro, une tentative de câlin avant le biberon, mais jamais elle ne boit vraiment.
Puis finalement, le jour de ses 5 mois, pendant un semblant de tétée, elle pleure et se débat, comme toujours, et là je me rends à l’évidence : ça suffit, on n’y arrivera jamais, j’abandonne.
Aujourd’hui, soit 18 mois après cette ultime tétée, j’ai toujours du lait, mon corps n’a toujours pas fait le deuil de mon allaitement…